"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
mercredi 30 janvier 2019
Damnit Crocket [ ? ]
lundi 28 janvier 2019
Doomed
Est-ce qu'on peut être aussi doomed (maudit) dans la vie que le seul talent que l'on ait réussi à développer soit l'apanage de presque personne? La poésie est morte, c'est un royaume déserté: "EXODE POÉTIQUE" a décrété mon siècle; la poésie c'est compliqué, ça ne se donne pas immédiatement, il en va en ce domaine de même que pour ces musiques complexes qui ne vous accrochent qu'à la énième écoute, lorsque se dénoue le noeud et que jaillit la source pulsatile dans les formes complexes. Le simple est toujours la base de tous les raffinements mais qui n'est point persévérant jamais ne le saura.
Damnit Crocket
Je te vois Crocket, ta silhouette longue qui se courbe sur les chemins de vie. Je te vois et j'aime tant le rythme de ton pas sous l'infamie des hommes, ta façon d'avancer malgré ce monde qui te gomme.
Mordor
Je vais te montrer quelque chose
Viens visiter l'âme honnie
Sombre et sans reflet
Je suis la terre accidentée aux reliefs déchirés
Je suis la nuit si froide qu'elle glace les aurores d'argent
Au sein de la souffrance, si tu oses avancer
Je donnerai aux palpitations de ton cœur
Le rythme de lucidité
Couleur de la mélancolie
Tu verras la beauté
Des mondes anéantis
Es-tu capable d'aller loin, si loin
Que la froideur n'est que chaleur
Et que se lient les opposés?
Je t'emmènerai
Si tu veux
Dans les antiques palais de la décrépitude
Là où les pas résonnent et font tinter la solitude
Je te prendrai la main
Et te ferai toucher les sabliers du temps
Où chaque grain renversé figure une chose
À toi jadis et confisquée
Je t'enfermerai dans l'isolement de mes pensées
Dans les vertiges abyssaux
Dans les fonds renversés
Où jaillit cette source
Qui donne à la vie de ce monde
Des formes si précieuses
Voudras-tu venir avec moi
Et puis surtout rester
Lorsque l'obscur te bordera
Et obstruera tes yeux
Lorsque l'amour te manquera
Et trahira tes voeux
Si tu demeures alors encore un peu
Juste un peu plus que d'autres
Tu trouveras dans mon pays de mort
Des joies sans bruit d'éternité
Des fragments de bonheur
Dans le temps aboli
Mais tu devras te réciter
Ce mantra qui est mien
Et guide mon destin:
Du tourment des lucides
Emerge la beauté
lundi 14 janvier 2019
Transe lucide
Où se déversent un à un
Les souvenirs trop lourds
Un orage infernal qui forme les torrents et dévore les jours
De ceux capable de manger les humains et les fleurs
Et ces choses fragiles au vénérable coeur...
J'aimerais être ce ciel qui se défait de tout et gicle sur les faces
Pour sans vergogne aucune éclater en sanglot tout contre la surface
De cette terre où l'éther se mélange en des passions boueuses
Et voir le sol enfin se recouvrir d'une marée glorieuse
L'eau pure du ciel descend pour se souiller
Et l'âme trans-lucide y vient alors mouiller
Les gestes d'un destin livide
Le fil élimé de la vie qui n'est que long suicide
Et la musique monte et s'élève
Comme nouvelle sève animant les cieux tristes
Tandis que la pluie lave la bouche sale où s'enkyste
Les mots que docile on avale comme un liquide amer
Un univers se meurt
Pour que vienne autre chose
Peindre en neuves couleurs
Des horizons d'osmose
Car il est temps enfin
De s'offrir à la faim
D'une nature dévorante
Qui d'hier, patiente,
Ourdit ce qui sera demain
Peut-être est venu le temps de la mise à mort
Que le taureau prête le flanc au pieu qui le perfore
Ce temps est indecent
Qui d'une main reprend l'indéfini trésor
Je ne sais si le chemin parcouru
Aura fait avancer la vie vers son inaccessible but
Mais chaque larme bientôt sera tarie
Et même les cieux larges
Inévitablement seront arides
Bientôt plus un mot qui ne dégouline
Pas même la finesse d'une discrète bruine
La messe est dite
L'âme en liesse s'effrite
Le dernier point efface l'histoire qui fut contée
Pour de nouvelles traces aussitôt enfantées
mercredi 9 janvier 2019
Hors du vieil alphabet
Il ne faut pas que la musique cesse. Et pourtant, je sais que je cesserai d'écrire, bientôt, d'écrire pour ne rien dire, pour simplement chanter le temps qui passe, et le sentiment d'exister. Le silence qui déjà s'allonge entre les battements de mes frappes sur le clavier, annonce celui, trop long, qui viendra. Celui qui ponctuera sans marque et sans nul alphabet, le sommeil qui ne viendra pas, le manque de volonté, l'hésitation, le doute et les ruminations sans fin d'une raison qui cherche à se résoudre dans l'acte de défaire chacune des prémisses du raisonnement.
Musique puisses-tu ne jamais cesser. Et si la vie refuse de tenir dans le vieil alphabet, alors que mon coeur, que mes pensées, que mes idées, battent pour toujours le tempo du destin, qui va tambour battant. Dans le bruit ou les silences, il y a toujours quelque chose qui passe et s'en va son chemin, comme d'ineptes actes illustrent les destins sans signe, qui gisent bien en-deçà, au fond des mélodies qui ne se chantent que pour soi.
Ces mots ne sont rien, rien d'autre que le tapotement de mes doigts sur le bureau d'un soir qui s'étire. Et que sait-on de la musique entendue, lorsqu'on observe quelqu'un battre d'ennui le rythme qu'il a en tête? Tirer de ses abysses sans fond, à l'aide des formes qu'adoubent les grammaires, voilà ce que c'est qu'être un pécheur de vide. Nous cherchons tous à notre manière à tirer des vacuités intimes l'objet fini et flatteur qui justifierait à lui seul le fait que nous restions sur le bas-côté de nos vies, à observer le monde nous passer au travers sans trop savoir comment, sans trop savoir pourquoi.
No country for all men
Je suis une durée, une concentration d'instants et de moments qui tissent le réseau de mon identité présente, de ma conscience. À celui qui pose un regard lucide sur cet état de fait, il ne peut y avoir que mélancolie. Car c'est toujours le passé qui se penche sur l'avenir.
À quel instant de ton effort, as-tu laissé glisser les moments forts de notre amour? Tous ces moments qui parvenaient, par leur entéléchie, à réaliser l'achèvement d'une idée, et donc à faire d'une durée, une icône hors du temps? Je ne cesserai jamais de maintenir en mon présent lucide la somme fondue de ces instants passés qui soufflent sur le cours des choses une couleur qui est la mienne. Tu as peut-être oublié les tremblements et les pleurs dans nos étreintes, le vécu extatique de ces intervalles d'amour parfait, mais je les porte en moi, à tout instant, en tous points de l'existence.
De ce passé nul retour en arrière n'existe, et le chemin qu'on emprunte yeux bandés n'empêche pas qu'une palinodie incontrôlée injecte par moments, dans le cours du temps, sa sève nostalgique qui fait de nous âmes errantes, les vagabonds sans logis, qu'un sort tragi-comique chasse sans relâche de toutes les demeures.
Comme on tresse les mondes
J'entends la pluie battre sur le carreau du vélux, et je sais, d'un savoir total et cellulaire, que c'est là le signal qu'il me faut écrire. Ne s'agit-il que de mon interprétation subjective, de ma propre fiction intime? Nul ne pourrait ni l'affirmer ni l'infirmer avec certitude. La certitude n'est pas de ce monde, elle se tient hors des relations, de toute atteinte, en un lieu inaccessible et secret. La vérité quant à elle n'est qu'un choix, celui d'obéir en l'occurrence à la pluie, et au message que je lui prête. Et qui s'impose pourtant comme une réalité extime.
Tout est tellement mélangé dans cette existence... Le laid dans le beau, la création dans la destruction, le positif dans le négatif. Les gens s'emplissent les poumons de l'air des morts, de la fumée qui s'échappe des crématoriums, du dioxyde de carbone qu'expirent les enfants dans le halètement de leurs jeux. Et toute la vie se nourrit de la mort, comme cette dernière se nourrit de la vie. Tout fusionne, coexiste, se confond, consubstantialité des contraires qui se dissolvent dans l'étoffe unie du Réel.
Réel... Voilà bien le pouvoir des mots, qui de la forme définie, nous parlent de l'indéfini, réalisent la prouesse d'enclore en eux l'univers au complet tout en n'étant cependant qu'une partie de ce dernier. C'est qu'à la lecture du mot: Réel, chacun fait advenir sa totalité personnelle, son grand Holos, son univers. Et peut-être le mot ne se tient-il nulle part, comme s'il ne préexistait pas à la représentation qu'il ne peut donc pas susciter, puisqu'il en est une émanation...
À quoi se résume l'essence des objets? Il me semble que tout n'est qu'image que l'esprit fait tenir dans un flux de conscience qui peut varier, métamorphosant ainsi les objets et avec eux l'univers (image ultime qui voudrait les renfermer toutes, mais l'entreprise est sans espoir). Amas de cellules, chairs, muscles, atomes, quarks liés par des forces qui ne sont qu'images de ce qu'on ne saurait saisir. Que sommes-nous?
Au final ne restera que l'histoire que chacun se raconte. Comme dans un roman, d'aucuns suivent avidement le même fil narratif, celui-là même qui pousse leur volonté à habiter la seconde à venir. Tandis que d'autres parcourent la même scène à travers d'infinis points de vue, sautant d'un narrateur à l'autre, tressant ainsi les mondes dans le cours d'un destin.
C'est peut-être pour tout cela que la métaphysique est le domaine privilégié de la mélancolie, parce qu'on y est libre de croire en tout - et même que les choses auraient pu être autrement - sans plus avoir à prétendre qu'il y ait un quelconque savoir.