lundi 27 août 2012

Pensée et croyance


Problématique: toute pensée est-elle nécessairement une croyance?

Il me faut, pour répondre à cette question, envisager la pensée sous ses diverses formes. On peut ainsi imaginer que se jouer une mélodie dans sa tête est une pensée, tout comme visualiser un paysage ou bien encore faire vivre une scène imaginaire (ou pas d'ailleurs). Si l'on tente de faire le compte exhaustif de toutes ces formes, il paraît correspondre au nombre de sens dont nous jouissons. On pourrait ici objecter qu'il faut ajouter à cette somme le langage, car nos pensées les plus courantes qui sont fondées sur le langage ne relèvent pas d'un sens n'est-ce pas? Et bien Saussure a répondu au problème de manière pertinente en affirmant que dans tout acte de compréhension langagière, c'est finalement l'ouïe qui emporte le dernier mot, nous sommes obligés de mettre en parole les mots dans notre tête. Pour cette raison le compte reste égal au nombre de nos sens: cinq.

Maintenant, doit-on croire qu'imaginer, par exemple, pour soi un paysage constitue une croyance? Il est difficile de défendre une réponse par l'affirmative dans la mesure où il semble tout à fait possible d'inventer un paysage ou même de s'en représenter un existant sans croire en cette pensée. Si la pensée demeure une simple représentation mentale issue de notre pure imagination et non pas, comme de coutume, de stimulii sensoriels, alors elle n'est pas une croyance; si elle ne fait que nous traverser, sans que nous nous en servions pour atteindre une quelconque conclusion. La pensée semble pouvoir exister pour elle-même, sans but et à ce moment là, il devient assez osé de la qualifier de croyance. Il semble en aller de même pour toutes les formes de pensées connues et imaginables.

En conclusion, il appert de cette réflexion que la croyance émerge lorsque l'homme place un but à ses pensées, lorsqu'ils se sert de ses représentations mentales pour atteindre un objectif quelconque. La croyance naîtrait alors d'une vision utilitariste, elle est nécessaire pour construire. À cette fin, elle s'érige sur la dimension temporelle et nécessite une durée pour pouvoir exister pleinement.

On pourrait objecter à cela que celui qui construit une mélodie, se sert des notes passées pour inventer les notes futures qui se marieront avec elles, mais rien ne le force à croire, d'ailleurs comment croire en des notes de musiques, de simples fréquences? On peut raisonnablement penser que celui qui construit une mélodie croit, dans une certaine mesure, en une certaine unité des notes de musique, unité nécessaire à la création de la mélodie. En effet, les notes prises séparément, hors de toute mesure rythmique et isolée des précédentes, ne sauraient constituer une mélodie. On voit donc qu'à partir du moment où le fait d'imaginer des sons s'opère en vue de créer une mélodie, se constitue alors effectivement un acte de croyance, éphémère peut-être, mais avéré. Rien ne l'empêche cependant de continuer à émettre, en pensée, des sons mais dés qu'il voudra porter un jugement (esthétique par exemple) sur la suite de ses sons, il sera alors amené à émettre une croyance. Mais on peut aussi objecter à cela qu'il n'est nul besoin de culture pour ressentir le plaisir ou la douleur et que ce sont des choses innées, directement accessibles par les instincts et les sens. Il en va de même avec les sons qui peuvent être agréables ou désagréables. Ainsi, la croyance doit nécessairement naître d'une interprétation. La croyance advient lorsque la représentation mentale s'éloigne de la simple représentation pour devenir explication. Une de nos croyances les plus fondamentales, par exemple, est la causalité. Nous nous représentons la nature selon un cycle de causalité qui relève forcément de la croyance puisqu'il extrapole des règles générales à partir d'expériences limitées et nombrées. Pour que la pensée ne devienne pas croyance, il faut qu'elle s'en tienne à la représentation sensuelle et non interprétative. En conséquence, l'homme qui ne croit pas serait cantonné à un corps. Mais alors quelle place donner à la conscience? Ne fait-elle pas partie du corps, n'en est-elle pas une émanation?

Tout cela nous amène à penser que la croyance naîtrait de l'agencement des représentations en vue d'interpréter d'autres représentations qui nous paraissent isolées. Elle est une tentative d'unifier le réel en créant des liens entre les différentes représentations de celui-ci. La croyance réside précisément en ces liens virtuels et que la réalité ne pourra jamais confirmer car ils sont une extrapolation, un jugement qui veut faire d'une expérience limitée dans le temps et l'espace, une forme d'absolu. Or, peut-être que cet acharnement à vouloir tout unifier est due à la nature de notre conscience qui tend à tout identifier, fragmenter, diviser et qui paraît elle-même avoir été extirpée de la réalité, la rendant ainsi la source de toutes les souffrances et de ce poignant sentiment de solitude qui s'empare de l'homme face à l'univers.

mardi 21 août 2012

Boîte à larme



J'irais chercher bonheur au coeur d'autres étoiles
M'enfuir sur les hauteurs et hisser grand les voiles

Tu me verras peut-être encore traverser l'horizon
Comète à la crinière d'or chevauchant les saisons

Je ramasserai tes larmes, les poserai sur mes yeux
J'ai la souffrance large et peux mourir pour deux

Ne garde pas rancune des souvenirs qui fâchent
Le temps les affaiblit puis un jour les détache

Il passe au crépuscule les planter dans mon coeur
Pour te laisser une chance toi qui crois au bonheur

vendredi 10 août 2012

L'antidote

Il y a de jolis nuages à regarder,
De jolies rivières à admirer,
De nouvelles vagues viennent se briser
Et tous ces spectacles lénifiants
Ne parlent jamais que du temps.

Il semblent nous narguer de leur régularité,
Ils nous offrent leur mouvement parfait
À côté du nôtre incertain, entrecoupé
D'hésitations récurrentes qu'instille la conscience
Vous savez la conscience?
Cette organe de la honte qui a crée le temps
Pour que l'humain sache bien qu'il n'est pas éternel.

Il y a de jolis rides qui se creusent,
D'adorables joies doucereuses
D'interminables heures creuses
Et des souffrances en tous genres
Du corps en premier lieu, puis de l'esprit qui se perd.

Heureusement la conscience a su se doter d'un remède au réel:
Une foi inébranlable et des espoirs qui montent au néant du ciel.

lundi 6 août 2012

Cour de récré

Tiens, encore une image du passé qui file sur ma conscience...
Aucun présent dans mes réflexions, des souvenirs et nulle délivrance.
L'ami qui s'exprime dans la lumière, sa lueur est éteinte;
Moi qui l'anime à rebours quand l'existence porte plainte
D'être bafouée chaque instant dans nos abris à mémoire.
On est tout seul, maître du monde, et le monde un grimoire;
Qu'un rayon d'intelligence vienne se poser sur une page,
Ce n'est jamais rien d'autre qu'un lointain héritage
Que l'on fait mijoter pour en sortir de nouveaux arômes.
Seulement l'inédit s'épuise et puis ne restent que les fantômes.
Mais les mots de l'ami restent, têtus, offerts,
Ils attendent une étreinte pour violer l'univers.
Et chaque fois que nous déshabillons ces signes de notre regard
Viennent au monde d'anciens probables et de vieux espoirs.
Le monde est là qui nous boude et se tait
Et nous vexés, lui enjoignons de s'exhiber.
On dissèque ses ombres, chacune de ses traces dans le temps;
Le temps parlons-en, notre cour de récréation pour adolescents
Où nous gribouillons nos dessins naïfs d'enfants sages,
Au fond nous ne serrons rien d'autre que ses images.
Fascinés, l'on scrute chaque détail pendant des heures;
Dans notre cour, on se les échange comme des voleurs.
Des receleurs de rêves, voilà ce que nous sommes.
On pleure on rit on meurt, voilà bien l'homme.

samedi 4 août 2012

Vieillesse

Aïe! Que sont-ils ces vieux flétris que le temps a courbé à sa guise?
Anamorphose de notre avenir, réalité glacée qui dégrise.
Ça traverse l'espace avec sa propre allure martienne,
Ça regarde les gens avec le privilège de la peine.

Et dans tout ça, bien au fond, il s'agit donc de quelle essence?
De quelle substance le concept temporel les a-t-il dépossédé?
Un rêveur sur un banc, de leur ballet cherche le sens:
Peut-être que ce qu'on leur a enlevé, c'est l'illusion d'une vérité...

C'est le trésor de la souffrance qui gît en eux bien ancré,
On se repaît d'un bonheur sans détour, d'une incertaine lucidité,
D'une nature sans atours et de conversations dépouillées d'orgueil
À l'intérieur, on est tel qu'en dehors, une jeunesse en deuil.

Et c'est tant mieux.

Insister pour soi

Enfanter, ce n'est rien d'autre qu'abdiquer devant sa propre vie, passer le relais à quelqu'un d'autre. On constate son échec alors on donne à la vie une autre chance d'être exceptionnelle, marquante.

À côté de ce choix, il y a les gens vraiment exceptionnels.

Et encore à côté, il y a ceux de mon espèce, qui continuent d'espérer sans trop savoir pourquoi; qui attendent que quelque chose arrive sans trop savoir quoi. Et la seule chose qui devient inexorable et évidente, c'est la monstruosité du temps qui passe et qui nous laisse de côté.

jeudi 2 août 2012

Devenir ce qu'on est

J'ai perdu suffisamment de temps à regarder l'écoulement hypnotique des états que le monde actualise frénétiquement, mais dans quel but? Est-ce pour nous faire croire que nous sommes pareils à des personnages de film? Pris dans un flux incontrôlable donnant cette illusion de continuité qui est si chère à nos yeux, comme toutes les illusions d'ailleurs.

Je veux désormais être le temps lui-même. Que les autres m'observent à leur tour, j'ai donné assez de ma personne au vent!

Il est tard, je suis si vieux déjà.

Et puis d'abord, je ne souhaite pas retourner mon sablier, je me suis habitué à ce sable perdu, à tous ces 'moi' que j'observe au fond, derrière, là-bas.

Simplement je vais vivre ma vie de grain de sable, sans me soucier de l'esthétique de mon sablier et l'harmonie des grains qui tombent en contrebas.

De toute façon, en bas, derrière, c'est aussi moi n'est-ce pas?

Si je réside ici et là-bas, séparé seulement par l'étroitesse du goulot, alors ne suis-je pas à la fois ici et là-bas?

Cette ou ces parties de moi qui ont glissées sur les parois de verre du temps, ce sont elles qui donnent la stabilité à la base de mon sablier.

Et puis au fond, une fois que tout cela sera terminé, qu'est-ce qui empêche celui qui nous a mis là, de retourner l'objet?

Je veux dire, rien qu'une fois? Et pourquoi pas d'autres encore?

Juste pour se divertir?

Parce que ça doit être marrant toutes ces miettes d'humains qui chutent vers le bas, inexorablement...

Enfin j'imagine, parce que si c'est comme ça, c'est bien que cela doit plaire à quelqu'un; ou quelque chose...

Alors c'est ainsi, c'est décidé, je vais être pleinement chacun de ces fragments, sans regret, sans appréhension.

Je veux être moi jusqu'au dernier grain de sable!

Est-ce bien cela devenir ce qu'on est?

Aphorismes

Le plus sûr chemin vers le bonheur, c'est le bonheur des autres.

L'existence est (le?) critère de vérité?

"Ce que le progrès demande inexorablement aux hommes et aux continents, c'est de renoncer à leur étrangeté, c'est de rompre avec le mystère." Romain Gary

"Les contradictions sont la rançon de toutes les vérités à peu près humaines." Romain Gary

"Ambition et cupidité sont les deux jambes de l'homme du siècle; celui qui ne les a pas est un cul-de-jatte dans la foule." Henry De Montherlant

Il faut savoir Être à travers son art

La foi est une projection de l'individu dans tout ce qui n'est pas lui-même

Et si...?

Et si les artistes en tous genres, accouchaient d'oeuvres exceptionnelles pour la simple et bonne raison qu'il pratiquent leur art dans une totale banalité?

Et s'il ne me manquait plus qu'une chose: cette banalité rendue quotidienne de l'homme qui s'astreint à créer le génie? Mon seul frein? Avoir toujours en ligne d'horizon ce caractère exceptionnel et extraordinaire de l'oeuvre et qui justement fait de mes oeuvres - celles que je juge dignes de ce nom - des évènements exceptionnels et peu fréquents?

Et si le réveil pour moi c'était précisément de cesser de vouloir trouver avant d'avoir cherché, de trouver du premier coup? Peut-être me faut-il creuser tous les matins et chaque après-midi? Quitte à salir mes mains pour ne ressortir que ponctuellement une pépite ou deux, de temps à autre.

Devenir suffisamment écrivain pour que l'écriture se confonde avec l'acte même de respirer, épurée de toute idéalisation malsaine, de tout rituel inutile, de tous ces soi-disant contextes propitiatoires mais qui n'ont de mérite que de rendre la création plus coûteuse, plus rare et trop coquette.

Peur de la puissance

J'ai beau me chercher toutes les excuses du monde pour expliquer pourquoi je ne suis pas ce que je voudrais être (ou plutôt croit vouloir être), cela ne changera rien au fait que la responsabilité, en son entièreté, m'en incombe personnellement.

Il me faudra - c'est en tout cas une pensée réconfortante dans laquelle je me complais - plus de force que n'importe qui pour être cela. Non, pardon, pour être tout cela. Car une volonté de puissance démesurée comme la mienne ne s'accommode pas d'une seule petite identité cloîtrée, d'un seul plaisir enclavé. Je veux ma vie sous plusieurs destins, je la veux aussi multiple et variée que possible, je veux tous les plaisirs que je souhaite, je désire toutes les satisfactions que j'imagine, toutes les souffrances et toutes les victoires sur celles-ci.

Et s'il ne fallait, pour atteindre cet inaccessible, plus que vaincre une seule chose, un dernier obstacle: la peur tout simplement...

Les autres écrivent bien mieux

J'ai la désagréable impression que les autres écrivent bien mieux que moi. De ceux dont l'écriture est le métier à ceux dont c'est un loisir voir un simple outil ponctuel. Pourquoi est-ce désagréable?

Et si en lieu et place d'un long monologue introspectif et vaguement philosophique, je laissais là un blanc; un simple point d'interrogation pour clore ce tracas actuel? Qu'est-ce que cette impression qui me taraude peut bien me révéler sur ma personne? Et si je me taisais pour laisser le champ libre à la totalité du néant? Regardez: ça me coûte... Mais y parviendrais-je quand même?..