dimanche 29 septembre 2019

La révolution de tout

Je ressens la lassitude de la lassitude même. Je ne désire plus rien, observe la vie à distance avec un rictus de dégoût lorsque l'image se fait bien nette. Pourtant la mort me terrifie, et je semble préférer mille fois la souffrance verbeuse au repos silencieux.

J'ai, plus que la conviction, la sensation de n'être plus rien de substantiel et d'établi, d'être la vitesse d'un regard, de consister en son voyage effréné vers la fin sans fin du monde. C'est semble-t-il la fonction que l'univers m'assigne, être une fenêtre sur les choses, et ces choses que je décris n'existent même pas: chacun, depuis sa lucarne intime, la perçoit autrement, fut-ce infime la différence...

J'écris comme on raconte en d'indéfinies tonalités la scène figée et redondante d'un paysage fixe où rien ne se passe, rien qui n'obéissent aux lois et aux chimères humaines, avec leur manque d'imagination glaçant qui transfuse son ennui mortel en mes veines passives. Je me raconte l'histoire d'une non-histoire.

Si véritablement le monde et toute la réalité vécue n'était pas l'apanage d'un abominable solipsisme, alors je pourrais être étonné, je pourrais vibrer et frémir face au spectacle d'un fatum bariolé et fougueux. Au lieu de ça, tout avance avec régularité, vers la déchéance et la soumission. La liberté elle-même ne sort pas même un bras de sa cage dorée, incapable de voir par-delà, au travers et ailleurs que ce terrible monde qui n'est que l'exécution sans surprise d'une équation en cours.

À l'aube de la destruction totale, de l'achèvement de cette impasse que constitue ce que fut l'aventure humaine jusqu'ici - et j'en suis peut-être la pire car la plus douloureusement lucide -, j'attends malgré tout le jour d'après, j'attends ce qui sera après l'abolition de toutes les lois, de toutes les grammaires atomiques.

Il FAUT que quelque chose se passe! Quelque chose pour rendre la vie supportable. Qu'Ils viennent ceux d'Ailleurs, qu'ils amènent avec eux l'altérité totale sinon je ne vois pas bien à quel dessein aura répondu ma vie.

Il faut de nouvelles images à découvrir, et tout ce qui adviendra après l'éclatement doit être absolument inimaginable aujourd'hui.

Je n'exige rien moins que la révolution de tout...

Alors je peindrai d'autres mondes auquel il est impossible de croire aujourd'hui, et peut-être qu'il me faudra pour cela abolir le cours de ce présent rectiligne. Peut-être aussi, mais l'hypothèse est hardie, poserais-je alors ma plume et deviendrais-je enfin le protagoniste d'une vie que je me borne à écrire et exister, comme une monture qui nous mène au travers du vide.

Aucun commentaire: