S'il pouvait pleuvoir en plein soleil, sans l'apparition d'un seul nuage, tomberaient alors de fines gouttes de liberté que je capturerais sur ma langue étirée, la bouche grande ouverte. Qu'il me serait doux alors de n'avoir plus de maîtres, pour une poignée de secondes, avant que cette liberté se transforme en poison, avant qu'elle ne m'étouffe et me noie par son débit continu.
Et si, me disciplinant moi-même, jour après jour, je parvenais à ne récolter de ce précieux nectar, que la seule quantité congrue, juste ce qu'il faut pour trouver l'équilibre de la pure autonomie?
Mais cela n'est qu'une idée... Dans cinq minutes je devrai prendre la route pour me rendre à mon "travail". Payer moi-même l'essence nécessaire à l'effectuation du trajet qui sépare ma liberté relative de l'enfermement. Et je me dis alors, dans un éclair de lucidité, que ce sont mes larmes que l'on met en bouteille et qu'on finit par vendre, moi qui les ai pleurées pour trois fois rien.
S'il pouvait pleuvoir en plein ciel bleu dénué de nuages, horizon azuré sans porte de sortie, je me tiendrais tout nu sous le radieux déluge, jusqu'à ce que pluie et larmes recouvrent mon visage et bouchent l'orifice par où j'inspire l'air qui reconstitue malgré moi la force de travail que je suis, pour le restant de ma stupide éternité.